De la glorieuse incertitude du sport au risque financier
Il y a peu encore, les spectateurs (et
téléspectateurs) pouvaient vibrer grâce à la glorieuse incertitude du sport. L’intensité
compétitive qui régnait au sein d’une discipline sportive ou d’une ligue, cadrée
par des règles et une éthique sportives, contribuait à optimiser le caractère
spectaculaire des compétitions en favorisant l’incertitude du résultat, les
rebondissements et l’existence d’enjeux. Cette incertitude du résultat participait
de l’attractivité du sport et permettait aux clubs de remplir les stades, de
drainer d'importants financements auprès des sponsors et des chaînes de
télévision.
Le partage égalitaire des revenus tirés de la TV a
longtemps limité, les écarts entre les clubs sportifs au sein notamment de la
ligue 1 de football. Mais, depuis une décennie, les critères de répartition
sont devenus moins égalitaires en indexant une part croissante des revenus TV
redistribués sur les performances sportives et la notoriété télévisuelle de
chaque club.
Cela avantage financièrement les grands clubs et,
via le recrutement à grands frais des meilleurs joueurs, déséquilibre les
ligues. La participation des grands clubs à la Ligue européenne des champions
creuse davantage encore les écarts de revenus avec les clubs qui n'y
participent pas. Il s'ensuit une course aux « grosses cylindrées » et
à une concentration des revenus sur quelques clubs dans chaque ligue nationale
en Europe, laquelle prédétermine une concentration croissante des victoires
sportives sur ces clubs. (Wladimir Andreff*)
Cette
course à la pole-position se traduit par l'inflation des salaires et des
primes de transfert qui déséquilibre ainsi les finances des clubs engagés dans
cette compétition (et l’OL Groupe n’y échappe pas puisque ses résultats sont en
nette baisse depuis 2007 et négatifs depuis la saison 2009/2010 ; au cours
des 4 dernières années comptables le total de ses pertes devrait dépasser 100M€).
Mais cette course aux grosses équipes anéantie l’existence d’enjeux, participe
au désintérêt du spectacle offert et contribue à faire fuir les spectateurs qui
par temps de disette taillent dans le superflu (la moyenne du remplissage du
stade de Gerland saison 2012/2013 a été de 78% avec 32.086 spectateurs sur
41.044).
L’UEFA tente bien de remédier à cette dérive
financière en instaurant le fair-play financier. Règles qu’il ne sera pas
facile d’imposer vu les sommes en jeu, car si elles avaient été appliquées dès
2011, 54 % des clubs qualifiés en Ligue des champions et à l'Europa League
auraient été en infraction.
L’appât du gain tue la poule aux œufs d’or et risque bien d’engloutir les fonds des collectivités.
Comme chacun le sait, le sport est fait d’incertitudes
et le monde des affaires déteste les incertitudes. Nos Conseillers Généraux (du Rhône) feraient bien d’y songer et de se
rappeler la mission qui est la leur avant de se prononcer sur le cautionnement
d’un projet à propos duquel aucun business plan ne leur a jamais été présenté, ni
même la capacité de la Foncière du Montout (filiale de l’OL Groupe au capital
de 1,3M€) à rembourser ses emprunts en 7 ans.
Ont-ils seulement envisagé le risque financier qu’ils feraient porter aux collectivités du Conseil Général du Rhône et du Grand-Lyon (compte tenu du projet de métropole concocté par les sieurs Mercier et Collomb) si par malheur la convention soumise au vote des conseillers ce 19 juillet venait à être adoptée.
Le président de l’OL Groupe se veut rassurant et
répète à l’envi, « Nous avons gagné
tous nos recours …», mais il se fait menaçant dès lors qu’il constate que
l’opposition à son projet est toujours bien présente, qu’il y a encore 10
recours non purgés (dont le PC qui devra certainement attendre l’avis de la
cour de cassation) et qu’il entrevoit encore de nouvelles difficultés sur
l’obtention du cautionnement et du financement de son projet.
N’en déplaise à ces messieurs défenseurs du projet
OL Land, la justice doit être égale pour tous et selon la constitution
française, Elle assure l’égalité devant
la loi de tous les citoyens sans distinction … (riches ou pauvres).
Le temps où l'on pouvait bétonner sans limite,
orienter l'argent public sans trop de contrôle, mépriser les citoyens sans
vergogne est révolu. Ceux qui nous gouvernent et qui envisagent de briguer de
nouveaux mandats devraient y songer, car la réalité finit toujours par resurgir
au grand jour et par les rattraper. Et nous serons là pour leur rappeler leurs
propos fallacieux et mensongers.
En ces temps d’austérité et de restrictions
budgétaires, le collectif « Les Gones pour Gerland » demande aux Conseillers
Généraux de rester dans le cadre de leurs missions de solidarité en ne cautionnant
pas une entreprise cotée en bourse, une équipe professionnelle de football (très,
très, très chèrement payée), et en faisant l’économie d’un deuxième projet
pharaonique dans l’agglomération lyonnaise pendant qu’il en est encore temps.
Les temps des emprunts et cautions toxiques doivent
cesser, ce projet comme d’autres capotera car il comporte en lui-même tout le
mépris d'une oligarchie et d’une caste avide d’honneur et de gains et qui n'ont
pas compris que l'on ne peut plus se moquer du monde indéfiniment.
Pour que Lyon
devienne la capitale du développement durable, gardons l’OL à Gerland !
Le collectif « Les Gones pour Gerland »
*Wladimir
Andreff Professeur émérite à l'Université de Paris I Panthéon Sorbonne
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