Communiqué de presse
La décision du Conseil constitutionnel déclarant conforme à la
constitution l'article L. 13.8 du code de l'expropriation qui trouvait sa
source dans un texte du XIXe siècle, s'avère comme parfois une décision
reflétant un verre à moitié plein et à moitié vide.
Si le Conseil constitutionnel
« valide » l'article L. 13 8, c'est en prenant soin d'en changer son
interprétation qui avait dominé ces cinquante dernières années. Le « Commentaire » rédigé par le Conseil
constitutionnel est très clair.
Historiquement, l'article L. 13 8
était appliqué au sens strict : le juge de l'expropriation renvoyait en
cas de contestation pouvant avoir une incidence sur le montant de l'indemnité « à se pourvoir devant qui de
droit », autrement dit, le juge de l'expropriation ne désignait pas le
juge compétent, ni même la question posée au juge compétent (comme tous les
juges civils le font dans les procédures de droit commun comportant une
question relevant d'un autre juge) ; désormais il appartient au juge de
l'expropriation « de renvoyer les parties à se pourvoir devant le juge
compétent ».
La modification est fondamentale
en droit public. Lorsque le juge de l'expropriation sur une question de droit
public (la légalité du plan local d'urbanisme) renvoyait « à se pourvoir devant qui de droit », le juge
administratif ne pouvait pas être saisi (Décision du Conseil d’Etat du 9 mars
1983, S.A.R.L. « Garage de Verdun »).
Les délais et les voies de recours traditionnel étaient fermés. Désormais,
lorsque le juge de l'expropriation sur une question de droit public va renvoyer
devant le juge administratif, le juge
administratif sera saisi de cette
demande.
Dans le droit commun des
contentieux, une question préjudicielle est une question posée un juge au-delà
de sa compétence matérielle dans le cadre d'un litige où la solution donnée à
la question modifierait les termes du litige. Le juge sursoit à statuer,
renvoie la question au juge compétent, attend la réponse, et prend une décision
définitive.
Beaucoup pensaient que l'article
contesté devant le Conseil constitutionnel interdisait au juge de
l'expropriation de surseoir à statuer et
de poser une question un autre juge (notamment le juge administratif).
Pour le Conseil constitutionnel,
l'article L. 13 8 du code de l'expropriation ne doit pas être interprété de
cette manière. S'il interdit toujours au juge de l'expropriation de surseoir à
statuer, il doit quand même poser la question et prévoir des indemnités
alternatives suivant la réponse qui sera donnée par le juge administratif,
ensuite soit la réponse permet de déterminer simplement qu'elle est l'indemnité
alternative juste (et celle-ci s'applique) soit le juge est à nouveau saisi.
Concrètement, pour la
contestation portant sur le classement en zones naturelles des terrains
expropriés pour l'accès au grand stade, alors que ces terrains vont être
détruits pour être construits, le juge de l'expropriation devrait déterminer,
par exemple : 1 à 4 €/m² pour des terrains naturels, 50 à 80 €/m² pour des
terrains à urbanisation future ; 300 €/m² voir plus pour des terrains
constructibles, et interroger le juge administratif sur la validité du plan
local d'urbanisme.
L'effet mécanique de la décision
du Conseil constitutionnel est très concrètement d'élargir le principe de
l'indemnité provisionnelle, applicable aux procédures d'expropriation d'urgence
et d'extrême urgence, à la procédure non urgente.
Cette décision est un avantage
certain pour le Grand Lyon qui pourra plus rapidement entrer en possession
« provisoire » sur les
terrains des expropriés. Mais elle préserve, dans le futur, l'indemnisation des
expropriés.
Il va peser pendant plusieurs
années sur la politique du Grand Lyon une grande incertitude sur le coût de
l'opération.
Le Grand Lyon ne connaîtra le
prix définitif qui peut varier énormément que dans plusieurs années.
Or, le Grand Lyon, pour réaliser
une voirie de huit mètres de large, n'a pas hésité, en raison de la faiblesse
du prix à un euro du m², à exproprier une bande de terrains dont la largeur
peut aller jusqu'à 96 m, ainsi rien que pour l'accès sud, c’est plus de 62 ha
qui sont concernés, soit une surface très nettement supérieure à celle du stade
lui-même.
Il convient de remarquer, qu'une
fois encore, le Grand Lyon travestit la réalité pour justifier cette opération
de stade privé au profit d'une société cotée en bourse : l'ensemble des
investissements pour rendre constructibles et accessibles les terrains, est
financé par les collectivités locales pour 200 à 400 millions de €.
Par ailleurs, le Grand Lyon et la
Ville de Decines cèdent à l'Olympique Lyonnais le terrain d'assiette d'une
grande opération d'urbanisme, comportant le stade pour 20 % du projet, au prix
du terrain inconstructible de 45 €/m². Ainsi, l'importante plus-value que
réalisera l'Olympique Lyonnais sur cette opération immobilière classique
(bureaux etc.) sera une des recettes essentielles de l'investissement dans le
stade.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire